Les maltraitances infantiles

Les maltraitances infantiles ont pour particularité de survenir sur un sujet en développement, vulnérable et dépendant des personnes censées prendre soin de lui (que ces personnes soient les parents ou les personnes occupants cette fonction). Certains auteurs parlent de traumatisme développemental.

La maltraitance infantile est définie par la Convention sur les Droits de l’enfant de l’ONU de 1989, que la France a signée dès 1990, comme «toute forme de violences, d’atteinte ou de brutalités physiques et mentales, d’abandon et de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle».

On distingue 4 formes de maltraitance :

La maltraitance physique

L'enfant est victime de sévices physiques et à l'extrême d'actes de torture, d'actes de barbarie. La violence physique est constituée par les coups, les brûlures, les secousses, les morsures, les empoisonnements...On retrouve dans cette catégorie le syndrome de Münchhausen par procuration.

Les négligences lourdes

L'adulte qui est en charge de l'enfant néglige ses besoins fondamentaux tels que la nourriture, l'habillement, l'hygiène, les soins médicaux ou bien reçoit des soins inappropriés. Dans les cas graves, la négligence peut entraîner la mort par sous-alimentation ou par infections.

Les maltraitances psychologiques

L'enfant est soumis à des violences verbales telles que les insultes, les humiliations, les menaces, les terreurs...Il faut également noter que l'absence totale de lien affectif ou de parole sont aussi constitutifs de violences psychologiques.

Bien que plus difficile à détecter, cette forme de violence peut être aussi grave en terme de retentissement sur le développement psychoaffectif de l'enfant que des violences physiques.

Les violences sexuelles

L'Organisation Mondiale de la Santé définit la violence sexuelle comme « tout acte sexuel, tentative pour obtenir un acte sexuel, commentaire ou avances de nature sexuelle ou actes visant à un trafic ou autrement dirigés contre la sexualité d'une personne utilisant la coercition, commis par une personne indépendamment de sa relation avec la victime, dans tout contexte, mais sans s'y limiter, le foyer et le travail ».

En règle générale, on estime qu'il s'agit d'une agression sexuelle sur enfant quel que soit le comportement ou l'affect éprouvé par un mineur de moins de 15 ans :

• Quand l'enfant est confronté à une situation sexuelle inappropriée à son âge civil, à son niveau de maturation psychique, à son degré psychosocial et physique de développement.
• Quand un adulte, mais aussi un mineur, a recours aux menaces, à la force, à l'autorité pour contraindre un enfant à une activité sexuelle.

En clinique, on retrouve de très nombreux cas de violences sexuelles. Cette expérience clinique est confirmée par plusieurs enquêtes. Je citerai celle de l'INSERM en 2006 qui montre que 8,8 % des femmes et 2,8 % des hommes déclarent avoir subi une tentative de rapport sexuel forcé ou un rapport sexuel forcé avant l'âge de 18 ans.

Conséquences des maltraitances infantiles à l’âge adulte : l'étude ACE

Plusieurs études montrent l'impact des maltraitances vécues dans l'enfance sur la santé, les problèmes sociaux et émotionnels. Je cite ici l'une des plus connues.

Cette étude résulte de la collaboration entre le professeur Felitti, chef du service de médecine préventive de l'établissement du Kaiser Permanente à San Diego en Californie et du Dr Robert Anda, épidémiologiste au Centre de Contrôle et de Prévention des Maladies à Atlanta.

ACE est l'acronyme en anglais de « Adverse Childhood Experiences » traduit par l'ACE Study par « les expériences négatives de l'enfance ».

Cette étude a été conduite de 1995 à 1997 à partir d'une cohorte de 17 000 patients qui ont rempli un auto questionnaire comportant 200 questions. Publiée en 2010, cette étude montre que le principal déterminant de la santé à 55 ans est d'avoir subi des violences dans l'enfance.

10 catégories d'expériences traumatiques survenues avant l'âge de 18 ans sont mesurées dans l'étude ACE :

• Les violences émotionnelles, physiques et sexuelles, les négligences physiques et émotionnelles ;
• Les violences liées aux dysfonctionnements de la famille&nbps;: un parent alcoolique, toxicomane, une mère victime de violences conjugales, un membre de la famille en prison, un membre de la famille atteint d'une maladie mentale, l'absence d'un parent après un divorce, un décès ou un abandon.

L'étude ACE n'a inclut que ces 10 types de traumatismes infantiles car ce sont ceux qui ont été le plus fréquemment mentionnés au cours de cette étude. Il en existe d'autres bien entendu.

Les chercheurs ont introduit le score ACE, c'est-à-dire qu'ils ont mis en relief l'effet cumulatif des traumatismes (les personnes avaient le plus souvent connues plus d'une forme de traumatisme), plus les violences ont été graves et répétées dans le temps et plus leurs conséquences sont importantes. Plus le score ACE est important et plus cela augmente des risques de problèmes de santé, les problèmes sociaux et émotionnels.

Les résultats de cette étude ont donc montré une relation proportionnelle entre le score des traumatismes et la sévérité des symptômes à l'âge adulte tant sur le plan somatique (obésité, troubles cardio-vasculaires, bronchites obstructives, cancer du poumon, diabète, douleurs chroniques inexpliquées, nombreuses maladies auto-immunes...) que sur le plan mental (dépression chronique, tentatives de suicide, addiction au tabac, aux toxiques, à l'alcool, être victime de violences, être auteur de violences...) mais aussi sur le comportement sexuel (grossesses adolescentes, grossesses non programmées...)

De mieux en mieux connues par les cliniciens, notamment ceux qui sont formés aux troubles psychotraumatiques complexes, ces problématiques sont mieux prises en charge aujourd'hui dans le cadre de psychothérapies qui certes, peuvent être longues, mais se révèlent efficaces.