Le psychotraumatisme
Une histoire moderne
Brève histoire du psychotraumatisme
Si l'histoire de la douleur peut se recouper avec l'histoire de l'humanité, l'histoire du traumatisme psychique est sans aucun doute aussi ancienne que cette dernière, et c'est au travers des récits légendaires que l'on en retrouve les premières traces. N. Childiac et Louis Crocq (2010) évoquent des récits aussi anciens que l'épopée sumérienne de Gilgamesh (2000 ans av. J-C.) et l'Iliade d'Homère. Traditionnellement, le premier cas rapporté dans l'histoire de la psychiatrie de guerre est celui du guerrier athénien Epizelos (Hérodote, 450 avant J. C. dans son livre VI de Histoire) qui fut saisi d'effroi face à un géant perse qui occis sous ses yeux son camarade. En pleine bataille de Marathon, il fut atteint de cécité hystérique émotionnelle (Louis Crocq, 2009).
Dans la littérature et l'histoire, bien d'autres cas sont rapportés et au-delà de l'aspect anecdotique, la pathologie psychique de guerre était bien connue des psychiatres militaires.
Au-delà de l'expérience des militaires, toute une série d'observations et de réflexions cliniques concernant les traumatismes psychiques dans la société civile est venue étoffer le corpus sur le traumatisme de guerre : catastrophes naturelles ou technologiques, accidents individuels ou collectifs, viols, agressions...
Les comorbidités, c'est-à-dire les troubles associés, que l'on retrouve le plus souvent dans les psychotraumatismes, sont les états dépressifs et les troubles addictifs avec ou sans produits ainsi que les troubles des conduites alimentaires.
Dans l'approche francophone du traumatisme psychique, le concept de névrose traumatique désignait une affection névrotique développée après une expérience de traumatisme psychique. Aujourd'hui, dans le DSM, (abréviation de Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders qui décrit et classifie les troubles mentaux), ouvrage de référence publié par l'APA (American Psychiatric Association) a écarté résolument le concept de névrose traumatique à cause de sa connotation psychanalytique, ce manuel se voulant athéorique. On parle donc aujourd'hui d’État de Stress Post Traumatique (ESPT) qui désigne une perturbation de nature biologique c'est-à-dire en lien avec un stress, consécutive à une expérience de traumatisme psychique.
Les comorbidités [...] que l'on retrouve le plus souvent associées au psychotraumatisme sont les états dépressifs et les troubles addictifs avec ou sans produits ainsi que les troubles des conduites alimentaires.
Antérieurement classés parmi les troubles anxieux, les troubles liés aux psychotraumatismes constituent, dans la dernière édition du DSM, une catégorie distincte qui vise à mettre en évidence les caractéristiques qui distinguent ces troubles des autres troubles anxieux. Ainsi, L'APA, donne à ces troubles toute l'importance et l'attention qu'ils requièrent et reconnaît la complexité et la richesse de la clinique.
Point de vue clinique
D'un point de vue clinique, on différencie le sujet ayant été exposé à un événement traumatique unique et celui qui a vécu des événements traumatiques qui se sont prolongés dans le temps.
Léonore Terr (1991) propose le terme de traumatisme de type I et de type II :
- Les traumatismes de type I sont des événements d'une durée limitée dans le temps, bien circonscrits, dont on peut repérer le début et la fin. On retrouve dans cette catégorie les accidents individuels ou collectifs, l'agression unique, les catastrophes naturelles ou technologiques... L'expérience de la douleur aigüe au décours d'une blessure, d'une opération chirurgicale, d'un accouchement peut aussi être potentiellement traumatique tout comme l'annonce d'une maladie grave.
- Les traumatismes de type II sont des événements de longues durées, répétitifs, cumulatifs, d'intensités variables. On retrouve dans cette catégorie les violences d’États (génocides, tortures...), les violences sexuelles, psychologiques, physiques, le harcèlement, certaines prises d'otages prolongées, les violences familiales, les humiliations répétées...
Les symptômes selon le DSM
On peut les regrouper selon 3 catégories :
Les reviviscences
L'événement traumatique est revécu de manière persistante à travers des souvenirs répétitifs et envahissants l'événement provoquant un sentiment de détresse (images, pensées, sensations, jeux répétitifs chez le jeune enfant) ; des cauchemars répétés provoquant un sentiment de détresse (chez l'enfant, parfois, il n'y a pas de contenu précis) ; l'impression ou un comportement soudain comme si l'événement allait se reproduire (sentiments de revivre l'événement, flash-back) ; une détresse intense lors de l' exposition pouvant rappeler un des aspects du traumatisme.
Les évitements
Il s'agit d'efforts pour éviter les pensées, sentiments ou conversations associés au traumatisme, des efforts pour éviter les activités, les lieux ou les personnes pouvant rappeler le traumatisme, l'incapacité à se rappeler un aspect important du traumatisme, une diminution marquée de l'intérêt ou de la participation à des activités importantes pour le sujet, sentiment d'être détaché des autres ou de leur être étranger, émoussement ou incapacité à éprouver des affects, sentiment d'avenir bouché.
L'hyperactivité neuro-végétative
On peut avoir des difficultés pour s'endormir ou pour dormir, présenter une irritabilité ou des accès de colère, des difficultés de concentration, une hypervigilance, des réactions de sursaut exagérées.
Depuis de nombreuses années, les cliniciens soulignent les insuffisances du DSM pour décrire l'étendue des troubles post-traumatique et le tableau clinique est infiniment plus complexe que celui qui est présenté par le DSM. Comme l'écrivait à juste titre le Professeur Louis Crocq (2014), les Américains sont des cliniciens désordonnés juxtaposant en vrac des symptômes sans les grouper ni les analyser. Ils ne prennent pas en compte dans l'ESPT, les troubles de somatisation et le trouble des conduites tels que décrits dans la névrose traumatique ni les sentiments de dépersonnalisation ou de déréalisation, pas plus que ceux que l'on retrouve dans les psychotraumatismes complexes avec des troubles dissociatifs, l'altération de la personnalité, parfois une identification à l'agresseur, des conduites hétéro ou auto agressives, des conduites à risque...